
Malgré le traumatisme traversé lors d’une césarienne programmée, se profile le début d’un fabuleux voyage introspectif et d’une reconnexion à l’essence féminine intuitive.
« Accouchement », un mot -à la fois masculin de par son déterminant- et d’une sonorité puissamment féminine qui laisse très peu d’oreilles indifférentes. Au fil du temps, ce terme a été terni par de gros nuages sombres. Ceux-ci sont venus lourdement voiler chacune de ses lettres ainsi endeuillées.
Aujourd’hui, ce mot résonne donc dans l’inconscient collectif des hommes et des femmes de façon pesante et angoissante. Des mémoires cellulaires de peur se sont développées et accumulées dans leurs corps, affectant et meurtrissant par la même occasion leur âme, leur esprit, leur conscience familiale et collective.
Dans mon cas, j’avais entendu à l’époque de ma première grossesse de dévalorisants et terribles témoignages d’accouchements, relatant des détails effrayants ou alors en parallèle, pour sans doute atténuer ces visions d’horreurs, j’avais visionné des films de femmes accouchant paisiblement dans l’eau ou lu des récits de femmes donnant naissance avec confiance et quiétude à la maison.
Deux mondes complètement opposés! J’étais bel et bien prisonnière de mon imaginaire. Bercée par des illusions aux notes de panique paranoïaque ou à l’inverse de douceur publicitaire, j’étais à des années lumières d’être simplement dans la réalité concrète de mon essence féminine.
Ces images qui jaillissaient de mon cerveau m’emportaient dans ce monde qui me semblait secrètement impénétrable et majestueusement orné de mystères. Je n’avais acquis et reçu réellement aucun indice qui m’aiguillerait concrètement pour préparer le voyage périlleux de l’enfantement d’un petit d’homme.
Un premier accouchement sous le signe de la peur généralisée et du contrôle médical.
Lors de ma première grossesse, comme écrit précédemment, je n’étais pas du tout préparée ni physiquement ni mentalement à ce bouleversement de vie. Je vacquais à mes nombreuses activités avec insouciance sans vraiment écouter mon corps qui créait au mieux de ses capacités une nouvelle vie. Je me suis retrouvée à six mois de grossesse avec des contractions précoces et très peu de liquide amniotique. Mon compagnon, Olivier, vivait lui aussi à l’époque des moments existentiels extrêmement pénibles.
Puis lors d’un examen gynécologique à l’hôpital, on décide d’urgence de me garder « sous contrôle ». Quel choc, en quelques heures, on m’annonce l’alitement obligatoire jusqu’à la fin de ma grossesse! Je me retrouve soudainement seule, apeurée, déçue et triste, dans une chambre anonyme au parfum insipide, si singulier, propre à ces endroits de soin. Dans un lit aux draps propres mais avec un matelas sans doute chargé en énergies de toutes sortes, laissées par de nombreux passages. Je m’étonne d’être là, loin de chez moi, loin de l’homme avec qui je partage mon quotidien. Je transmets cependant mes états d’âmes en parlant intérieurement à mon enfant, en me rassurant je le réconforte aussi et reste malgré tout positive en cherchant un moyen de rester créative. L’écriture et le dessin m’aideront à extérioriser et dédramatiser ce séjour hospitalier.
Je vivrai de fortes émotions, comme cette angoissante surprise de recevoir le plateau de nourriture du soir, avec une soupe, un petit pain et un fruit. J’avais cette sensation d’être rationnée, comme à l’image d’une prisonnière dans un pénitencier, en aucun cas, comme celle d'une femme enceinte dans un milieu hospitalier.
En chambre double, ma première voisine de lit, avec qui je communiquais en langage des signes car sa langue maternelle était le suisse-italien, subira un accouchement précoce à cinq mois de grossesse. L’entendre pleurer, gémir, se moucher et soupirer jour et nuit me refroidissait le corps tout entier. J’avais mal au cœur pour elle et son bébé. Elle partira dépitée et quelque peu soulagée d’être ainsi allégée. Elle bénira également de gestes attentionnés mon bébé. Je n’oublierai jamais ces moments de simplicité et de pure générosité .
Très vite après son départ, c’est une nouvelle voisine qui arrive et qui restera à mes côtés jusqu’à la fin de mon séjour. Les moments intimes sont très rares, j’étais donc doublement heureuse de voir arriver Olivier m’amenant kilos de cerises, chocolat et câlins tendres et réconfortants.
Un mois après la naissance de Lou, un faire-part arrive dans notre boîte aux lettres m’annonçant cette nouvelle que Meret aura vécu quelques heures. Des moments très émouvants et déplaisants pour moi, pleurant la mort de cette petite fille avec dans les bras la mienne, toute minuscule, si belle et puissamment vivante.
Ce séjour à l’hôpital m’aura permis un repos forcé et amené un espace propice afin de créer, rédiger et mémoriser de belles rencontres et expériences. Pourtant majoritairement, ce seront de nombreux états d’agitations, de colère, de tristesse, de frustrations, d’incompréhension qui s’amoncèleront à l’intérieur de moi.
Après une énième échographie, c’est définitivement sûr que bébé restera en siège. La gynécologue m’annonce une naissance par césarienne programmée, trois semaines avant le terme car c’est la limite pour que le bébé ne soit pas considéré comme prématuré. Une infirmière me donne la date qui changera trois fois, comme un jeu de loterie. Elle m’annonce le 22 juin, puis le 23 juin, c’est un lundi car le dimanche on ne fait pas de césarienne, voyons ! Mais comme il n’y a plus de place le 23, alors finalement, bébé viendra au monde un dimanche matin 22 juin.
Comme mon état de santé se stabilise, l’équipe médicale m’autorise des vacances à la maison jusqu’au jour J. C’est très spécial de vivre chaque journée avec un compte à rebours. Un peu à l’image de la bombe à retardement qui va exploser. Je me sens démunie et impuissante, de savoir que subitement « demain, je deviens maman», comme ça d’un simple coup de bistouri, à défaut d’un coup de baguette magique!
Tôt le dimanche matin, mon compagnon Olivier et moi-même partons en taxi à l’hôpital universitaire de Zürich. La tension monte, une infirmière nous dirige vers les salles d’opération, je me retrouve nue sous une chemise en coton bleue, on m’installe une sonde urinaire sans aucune délicatesse, l’intrusion commence. Puis un cathéter, avec plusieurs piqûres ratées: c’est l’hôpital universitaire et ce sont par des erreurs que les stagiaires apprennent leur futur métier.
La peur en moi est à son apogée. L’ambiance est terne comme si tout le monde dormait encore. Ne l’oublions pas, nous sommes un dimanche matin ! Et comme dans un film de science-fiction, les gestes sont faits mécaniquement. Je suis traitée comme un réel paquet de viande. Olivier semble de la même couleur que la coquille d’un œuf fraîchement pondu, d’une pâle blancheur.
Puis, je m’installe sur la table d’opération, complètement frigorifiée, je perds déjà le contrôle de mes jambes qui tremblent. Je reçois la piqûre au milieu du dos pour l’anesthésie locale. Ensuite je m’allonge sur le dos avec le ventre rond comme une baleine sur cette table dure comme du béton. On m’étire chaque bras sur un prolongement en métal de la table. On m’attache chaque poignet avec une sangle en cuir et je n’en crois pas mes yeux d’avoir les bras ainsi en croix ! Derrière le rideau vert, j’entends l’équipe du bloc rire de leurs blagues. On me pose un grand sachet de glace sur le ventre, c’est encore gelé. Ils commencent leur tâche sans avoir apparemment entendu que je sentais encore la froideur et là, commencent d’intenses douleurs. J’ai la sensation qu’on s’acharne à l’intérieur de mes entrailles, qu’on fouille en moi, qu’on me compresse, qu’on s’agite, qu’on arrache mes organes. L'anesthésie n’a pas eu le temps d’agir correctement. Mes bras se débattent et j’arrive à arracher les cordelettes en cuir qui me ligotaient. Je demande sans cesse à l’anesthésiste : « c’est bientôt fini? C’est bientôt fini ? » Je regarde l’horloge qui semble faire du surplace.
Lou est déjà née, après six minutes à peine, on me la présente qui pleure, mais je souffre tellement que je n’ai aucune envie de l’avoir vers moi. Je ne veux pas lui transmettre ces douleurs qui m’envahissent, c’est à peine si je la regarde, je suis happée par ma souffrance.
Une sage-femme et Olivier partent avec elle, puis tout s’assombrit. J'ai trop mal, je me sens flotter au-dessus de mon corps, je vois mon ventre à demi ouvert, je vois le sang, je vois les instruments, je vois au-dessus de l’autre côté du rideau. J’arrive dans un nuage molletonneux lumineux, avec des ombres par-ci par-là, puis j’entends la voix de ma grand-mère maternelle qui m’ordonne de retourner là en bas, ma fille m’attend. J’ai le souvenir de retrouver brusquement et lourdement mon enveloppe physique, mais comme l’anesthésiste m’a finalement totalement endormie, je verrai mon bébé une heure après la fin de l’opération, vaseuse et surprise, comme sortie et revenue d'un voyage dans une autre dimension.
Durant ce temps, elle sera sur la poitrine de son papa, qu’elle aura tenté en vain de téter, laissant un vaste bleu comme souvenir tatoué. Une troublante et émouvante image, complètement surréelle, le père remplaçant au mieux la mère absente. Puis une sage-femme dépose enfin ce petit être vers ma poitrine, et un élan d’amour inconditionnel s’empare de tout mon être, la première tétée efface tout. Les hormones du plaisir refont surface et heureusement, avec l’aide des sage-femmes, l’allaitement se déroulera au mieux.
Une nouvelle vie commence, un nouveau système familial se crée. L’Univers fête cet événement! Je suis sur un petit nuage rose qui me fait oublier les horreurs survenues quelques instants auparavant.
Avec l’arrivée de Lou, commence une introspection inattendue et c’est le départ pour moi vers de multiples chemins thérapeutiques, spirituels et énergétiques qui m’amèneront de nombreuses prises de conscience, qui apaiseront nos systèmes familiaux respectifs, qui m’offriront des moments inoubliables, qui m’ouvriront le cœur à la Vie, telle qu’elle a été, telle qu’elle est et telle qu’elle sera.
Cette césarienne programmée a été gérée avec difficulté car j’étais très peu voire nullement préparée psychologiquement à ce geste avant tout médical.
J’ai donc vécu ce premier accouchement comme un traumatisme. Je me suis sentie comme un cadavre à demi-mort, à qui on ouvre le ventre pour sortir la chair de sa chair. Selon mon interprétation de l’événement, sans scrupule de la part de l’équipe médicale, sans aucun signe de respect vis-à-vis de cette nouvelle Vie qui éclot.
Une naissance marquée par la froideur de la salle d’opération, par les surfaces luisantes, lisses et brillantes, par une lumière artificielle qui enveloppe la pièce et la rend fantomatique, par le son des instruments en métal qui s’entrechoquent et surglacent les sens. Un souvenir que chaque cellule se crispait et se fermait à l’intérieur de moi. Un bloc opératoire d’une propreté stérile, des personnes masquées avec leurs costumes se mélangeant parfaitement aux tons de la couleur des murs comme des caméléons pour se fondre mimétiquement dans leur environnement. La désillusion totale pour la vision idéaliste que j’avais de l’accouchement. Une sensation d’un réel échec m’envahit, celui d’une femme à qui l’on découpe le ventre par principe, car plus personne en Suisse n’accouche les sièges, m’assure-t-on. Pour la petite histoire, ma grand-mère maternelle aura vécu cinq accouchements par voie basse dont trois bébés en siège ! Et vous pouvez lire l'article ci-dessous sur la possibilité aujourd’hui en Suisse d'accoucher par le siège.
Dans les regards, aucun signe d’humanité ni de tendresse. Je sens la vibration de la peur qui stagne autour de moi, en moi, j’aurais tant besoin d’un petit soupçon d’attention ou d’un moindre geste de douceur, me sentir d’une minime valeur.
L’image du Christ souffrant sur sa croix me vient à l’esprit. Quel acharnement, depuis le temps ! Toute cette inconscience qui perdure, ce sacrifice à la Vie. Le temps de quelques heures, je me suis sentie dévalorisée, bousculée et violée dans ma sphère privée. Avec cette sensation d’avoir raté la venue et la rencontre de ma fille, de l’avoir même rejetée dès son arrivée sur cette Terre, d’avoir subi une dissection abusive et d’être à jamais marquée par la souffrance infligée par cette blessure au bas de mon ventre.
Une opération qui a malencontreusement tourné au cauchemar. D’ailleurs, le lendemain, l’anesthésiste est venue me rendre visite et j’ai admiré sa franchise et accepté ses excuses: elle me confie que cela arrivait que l’anesthésie ne fasse pas suffisamment effet, mais que c’était rare.
La gynécologue chirurgienne qui a, par ses mains gantées de plastique, eu l’honneur de sortir Lou de mon ventre, m’annonce fièrement que je pourrai, si je le désire, avoir trois césariennes de convenance à la suite de cette première opération, qui selon elle s’est déroulée à merveilles. Son rire sarcastique me donne encore la chair de poule. Je la remercie avec cette pointe de tiraillement au ventre qui me rappelle la réalité de ma fraîche cicatrice. Elle semble si puissante, je me sens si insignifiante. Et comme me le dira par la suite Olivier, son ricanement fait penser à celui de la hyène:- c’est l’art des hyènes, c’ez – ar – hyènes, pour ceux qui connaissent la langue des oiseaux : cé-sa-rienne! La langue des oiseaux : ou le sens des maux caché dans les mots. (article dans la Revue Néosanté n°64)
Soit dit en passant, grâce à l’éthologie qui est l’étude du comportement des animaux, nous apprenons que c’est une femelle hyène tâchetée qui domine son clan. Elle a même un sexe en forme de pénis qui lui sert de conduit pour uriner, s’accoupler et mettre au monde ses petits. Cette analogie montre la puissance de la femme chirurgienne sur son clan. Elle a la faculté et le contrôle de donner la Vie, de garder la mère et l’enfant vivants. Une aptitude magique et surnaturelle, digne d’une déesse au penchant masculin, qui lui fera probablement se sentir supérieure par rapport à l’homme, le futur père, qui assiste impuissant à l’arrivée de son enfant.
Pour en lire d'avantages sur le comportement de la hyiène:
https://www.geo.fr/environnement/la-hyene-les-secrets-dun-animal-mal-aime-198694
Je vais jusqu'à m'imaginer cette question: "serait-ce donc une forme de riposte inconsciente de cette femme et de son système familial auquel appartiennent de nombreuses femmes décédées dans des conditions atroces?"
Les hommes chirurgiens gynécologues retrouvent eux aussi ce pouvoir: celui de sauver des vies, celui de créer la Vie ! Cette maîtrise retrouvée grâce à leurs mains habiles, cet inconscient désir de surpasser le divin afin de contrôler les naissances...sans doute eux aussi ont eu dans le passé de leur système familial de nombreux hommes qui ont perdu leur femme et leur bébé lors d’un accouchement. Ils semblent réparer, en offrant la césarienne aux femmes, un passé tâché de sang hémorragique, de souffrances déchirantes et de deuil inachevé.
Le système familial a cette responsabilité de rééquilibrer chaque tort causé du passé. Nos métiers sont aussi en lien avec cette conscience familiale qui recherche sans cesse à rétablir la balance. Ne devient donc gynécologue qui le veut ! Ne subit ou choisit la césarienne qui le veut!
Environ six mois après l’accouchement, une terrible fatigue me terrasse quotidiennement. C’est en allant consulter un ostéopathe énergéticien que je comprendrai les causes de cette fatigue : «Madame, me dira-t-il, c’est normal que vous soyez sans cesse exténuée, votre cicatrice physique s’est refermée, mais l’autre cicatrice, celle au niveau de votre corps subtil énergétique est encore grande ouverte ! » Et nous savons que le ventre est le lieu où les émotions s’absorbent comme dans une éponge. Donc toute mon énergie s’envolait par ce « trou béant » et en même temps toutes sortes d’énergies extérieures s’installaient à l'intérieur de moi-même à mon insu. C’est depuis ce jour-là que je me suis intéressée et ouverte aux énergies subtiles et fascinantes qui émanent de nos corps et à la façon fabuleuse que ceux-ci ont de guérir par eux-mêmes, si on leur offre les outils nécessaires.
« Quand nous sommes fermement établis dans le respect de la vie, toute animosité disparaît autour de nous. Quand nous sommes un avec la Vie, quand nous sommes la vie, les êtres vivants le sentent d’une façon ou d’une autre et ils ne peuvent que se sentir en confiance. Nous sommes tous des éponges qui absorbent les vibrations environnantes. »
Citation Patanjali et les yogas sutras, Jean Bouchart d’Orval, p153
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