Témoignage de mon deuxième accouchement: un deuxième bébé en siège, une deuxième césarienne programmée

Humaniser la naissance par césarienne programmée.

 

L’envie d’un deuxième bébé s’est vite faite ressentir. Nous désirions mettre toutes les chances de notre côté pour la grossesse et pour l’accouchement. Nous avons choisi d’être accompagnée par une Doula, Danielle, qui m’a soutenue tout au long de la grossesse et qui a pu assister, grâce à la gentillesse et à l’ouverture d’esprit de l’équipe du Salem Spital à Berne, à la césarienne programmée, au côté de mon compagnon.

La Doula est une personne formée et expérimentée. Elle est passionnée par la périnatalité et par le processus de la naissance. Son principal rôle est d’offrir du soutien physique et émotionnel à la femme enceinte avant, pendant et après l’accouchement.

 

Pour de plus amples informations: www.doulasuisse.org

 

Après avoir vécu en 2008 une fin de première grossesse en milieu hospitalier, je décide de m’entourer de personnes compétentes pour vivre une seconde grossesse le plus sereinement et le plus proche de mes aspirations possible. Suivie médicalement par une sage-femme qui accouche à la maison et accompagnée par une Doula, je me sens en totale confiance pour accueillir ce deuxième bébé. Mais voilà, à travers une échographie, nous apprenons à la 37e semaine que bébé est lui aussi en siège, et qu’une césarienne programmée se profile si bébé ne se retourne pas à la bonne heure.

L’impossibilité de tenter un accouchement par voie basse à cause de ma première cicatrice me déçoit terriblement. De plus, une grande frustration se fait ressentir, nous nous plions aux exigences de la médecine avec peine.

Et oui, en moi s’installe un doute, de nombreuses questions, comment est-ce possible : un deuxième bébé en siège ? Est-ce mon bassin qui a une malformation ? Quelle est cette malchance qui nous poursuit ? Nous avons tout tenté, jusqu’au dernier moment pour que bébé se retourne.

À l’époque, nous voulions la surprise et nous ne savions pas le sexe du bébé. Pour la première grossesse également. Nous verrons qu’il est parfois salutaire de connaître le sexe à l’avance, et qu’aujourd’hui grâce aux échographies, cela est rendu, si je peux m’exprimer ainsi, presque automatiquement possible.

Je m’étais préparée cette fois-ci physiquement durant les cours de yoga pour femme enceinte. J’avais appris à respirer, à me détendre. Nous avions même suivi les cours de préparation à l’accouchement. J’avais là aussi de belles images en moi, celles de femmes épanouies qui accouchent calmement et doucement dans l’eau. J’avais lu et relu des récits de femmes du monde entier et cela me confortait dans l’idée que le corps féminin était conçu pour cela. Mais la gynécologue était catégorique, le rapprochement temporel entre les deux accouchements était trop serré, et la cicatrice de l’utérus beaucoup trop fragile.

Donc le jour de la césarienne est programmé dix jours avant le terme, celui de mon deuxième accouchement par médicalisation assistée. Je me dis, tiens, demain je deviens mère pour la deuxième fois. C’est une sensation à nouveau très étrange et surréelle, comme si on allait au supermarché et qu’on revenait avec son enfant tiré du rayon « accessoire vivant » pour femme et homme, aucun retour ni échange possible ! Un seul défaut : une petite cicatrice transversale sur le bas ventre de madame et impossibilité d’éteindre la marchandise sur commande.

Pendant ces deux dernières semaines de grossesse, je vais apprendre à lâcher prise à l'aide de plusieurs techniques. La première est constituée de petits rituels que ma Doula me « prescrit»: sur un papier on dessine deux bulles reliées par une ligne : dans l’une, on inscrit son prénom et dans l’autre ses angoisses, peurs et émotions- face au passé ou au futur- puis on déchire la ligne en deux et on brûle les deux morceaux de papier: un rituel à la lumière d’une bougie, c’est magique et très efficace! La deuxième en respirant lentement avec le ventre (technique que l’on apprend au cours de yoga pour femme enceinte), ainsi, on entre corporellement et mentalement en contact avec bébé. Je lui expliquais chaque jour la situation, lui disant qu’il pouvait venir au monde comme il voulait, que s’il n’arrivait pas à se retourner c’est qu’il y avait sans doute une bonne raison !

Puis deux jours avant le jour J, je perds le bouchon muqueux. Je me dis, ça y est, le voyage peut commencer, je suis prête et curieuse! Mais le destin en a décidé autrement et à cette période je me dis intérieurement que je ne connaîtrai peut-être jamais les fameuses vraies contractions d’un début de travail.

Nous sommes jeudi soir, je murmure un «  bonne nuit » à ma première fille Lou, lui explique calmement qu’on se voit demain après-midi, que grand-maman sera là rien que pour elle dès son réveil. Séance bisou puis en refermant sa porte, j’ai le cœur en morceaux de savoir que je serai séparée d’elle durant cinq jours. Dans la soirée, j’allume une bougie en pensant très positivement au lendemain, je me dis que tout sera différent, que tout ira bien. Je fais mes derniers lâcher-prises, mes angoisses s’envolent en fumée.

Ça y est le grand jour est là, cette prédiction du vendredi 7 mai 2010, dans quelques heures, je tiendrai une nouvelle vie dans mes bras ! Je pose un petit biscuit sourire à la confiture pour Lou sur la table et une carte pour lui souhaiter une belle journée, je bois un tout petit peu d’eau (on doit aller l’estomac vide pour l’opération, on reçoit aussi une lotion de nettoyage à faire le matin en se levant) et je prends mon sac. Mon compagnon et moi-même attendons dans l’air frais du matin le taxi qui ne tarde pas à arriver. Nous voilà en direction du Salem Spital, le chauffeur nous demande s’il faut aller aux urgences : et bien non, tout est sous organisation ponctuelle, zou la porte principale ! Nous voilà arrivés, la double porte est encore fermée, mais une dame nous aperçoit et nous ouvre, on peut donc attendre à l’intérieur.

Je m’efforce de rester chaque seconde dans le moment présent, je parle à bébé dans mes pensées. Je sens tout de même Olivier légèrement nerveux. À l’étage de la maternité, la sage-femme nous accueille et nous demande d’attendre encore un peu. Soudain au fond du couloir, j’aperçois la silhouette de Danielle, notre Doula, elle lève ses bras en signe de bienvenue. Je soupire de soulagement et un youppie intérieur éclate en moi, elle sera près de nous pour vivre cette étrange expérience de naissance médicalisée.

Dès sa venue, nous devenons comme par magie sereins et confiants. Danielle prend contact avec bébé à travers mon ventre, me propose des gouttes de fleurs de Bach et vaporise au-dessus de ma tête un parfum à l’odeur légère et rafraîchissante d’un mélange d’huiles essentielles. La sage-femme revient et nous amène dans ma future chambre. Là, j’enfile une chemise de nuit puis m’allonge sur le lit et mets les bas blancs de contention. Nous parlons de tout et de rien, ma voisine de chambre semble fatiguée mais souriante, elle a son bébé tout bien installé sur sa poitrine et je me dis que dans moins d’une heure, je vivrai de pareils instants. La sage-femme revient, c’est l’heure de partir à l’étage inférieur. Olivier et Danielle l’aident pour sortir le lit de la chambre, c’est amusant d’être ainsi guidée sur ce lit à roulettes. Je respire profondément, je croche mon regard dans les détails du moment présent, mes mains posées sur les côtés de mon ventre arrondi.

Nous sommes déjà à l’étage du bloc opératoire : les événements vont -à partir de cet instant- défiler ultra rapidement ou contradictoirement vraiment très lentement. Olivier et Danielle vont en coulisses afin de s’habiller en conséquence d’un ensemble vert avec bonnet rose bonbon. On me glisse sur la table d’opération puis on m’emmène au bloc tout en m’expliquant très calmement les procédures.

Le médecin et l’infirmière anesthésistes se présentent avec de chaleureuses poignées de main. Olivier et Danielle reviennent dans mon champ de vision. Ils sont là, au niveau de mon visage et me sourient, cela me fait du bien ! L’infirmière anesthésiste me met le cathéter et me demande de tousser très fort pour la piqûre, ça y est, les premiers produits atteignent mon poignet, puis une sensation de froid s’installe dans mon bras. C’est au tour du médecin de me faire la piqûre de l’anesthésie locale, je reste couchée mais sur le côté en faisant le dos rond. Je respire profondément, tout se passe bien. À partir de ce moment-là, c’est cette sensation bizarre de jambes qui s’endorment, ce sentiment de ne plus maîtriser du tout son corps. On me pose un coussin gonflable chauffant au niveau de la poitrine puis on installe le rideau qui nous cache la vue de mon ventre et de l’opération. On me fait les tests de sensibilité avec de la glace pour voir l’effet des produits anesthésiants, Olivier et Danielle s’y collent aussi ! J’écoute attentivement les explications du médecin, je me nourris des regards, paroles et gestes de Danielle et d’Olivier que je sens très présent, un peu maladroit dans ses caresses car il a peur et je le comprends tellement.

Mon ventre semble bien endormi, l’équipe du bloc démarre ! L’ambiance est très calme, je n’entends quasi rien de l’autre côté du rideau, puis on m’informe que je vais peut-être ressentir une forte pression sur mon ventre. Là, je prends une grande respiration et souffle très fort : ça y est, bébé est dehors ! J’entends des « yyieu  so herzig»* mais aucun pleur, on nous demande son prénom…et c’est Olivier qui murmurera: Ambroisine…à peine quelques secondes et voilà la petite puce vers mon visage, puis sur ma poitrine. Nous ne voyons que sa petite tête qui sort de sa grande couverture chauffante, elle est si belle. Je lui prends sa minuscule main qui vient s’agripper à mon doigt et je me sens tellement heureuse. Ces instants intemporels qu’on grave pour la vie dans son esprit seront aussi immortalisés par le médecin anesthésiste qui nous prend joyeusement en photo. Mais son petit corps sur ma poitrine m’étouffe, la dose des produits est forte vu mes antécédents et des envies de vomir surviennent, la sage-femme reprend bébé. Danielle me propose à intervalles réguliers des gouttes de fleur de Bach, cela me donne un petit goût d’alcool et de nature dans la bouche.

La suite me semblera très longue, c’est la partie où ils recousent l’utérus et le ventre. L’infirmière anesthésiste sera toujours présente en arrière-plan avec son regard présent et confiant. Elle viendra plusieurs fois me caresser la main droite. Ensuite, c’est un peu flou dans ma tête, l’opération est finie, on nettoie le sol et les lampes recouvertes de sang, on vient me serrer la main, il y a beaucoup de monde, comme des petites fourmis, qui s’affairent autour de la table. Puis on repart et on s’arrête comme dans un entre-deux monde, on me soulève délicatement de la table d'opération pour m'installer sur mon lit d’hôpital et là, je vois au loin le médecin anesthésiste qui court dans notre direction en sautillant et en pointant ses deux pouces en signe de victoire ! Il est heureux que tout se soit déroulé à merveille et me souhaite les fameux « Herzlichen Glückwunsch », tous nos vœux de bonheur venant du cœur.

Puis nous arrivons dans la « vraie » salle d’accouchement pour la partie du réveil. Je tremble comme une feuille et je me sens vaseuse, mes jambes sont toujours endormies, mon ventre me tiraille, mes épaules me lâchent. Je dois faire d’immenses efforts pour reprendre possession de mon corps. Ambroisine tètera durant une heure, très doucement comme si elle avait toujours su comment il fallait faire ! J’apprécie sa petite chaleur qui me réconforte, je jette un œil à la piscine d’accouchement et à l’écharpe suspendue, drôle de sentiments que de se retrouver ici ! J’aurais tant voulu accoucher naturellement. Danielle prend des photos, nous félicite et est très émue de vivre cette belle aventure avec nous. Olivier fera les premiers soins de bébé sous l’œil attentif de la sage-femme et attendri de Danielle.

Vers 10h30, nous arrivons dans la chambre, c’est là que Danielle prend congé de nous, nous la remercions pour son soutien et tout ce qu’elle a fait pour nous. Nous voilà à trois, Olivier pose délicatement bébé sur ses cuisses, celui-ci s’endort dans un sommeil profond et nous ne tardons pas à faire pareil !

Avec du recul, je suis heureuse d’avoir vécu si paisiblement cette césarienne programmée. Nous avons pu nous y préparer et y mettre des actes conscients et positifs ainsi qu’un souffle personnalisé pour l’accueil de notre deuxième bébé à sa naissance.

Danielle nous a donné énormément de temps, d'attention, de conseils et de soutien moral tout au long de cette grossesse ainsi que les semaines et mois qui ont suivi l'arrivée de bébé. Le jour de la naissance d'Ambroisine, par le simple fait de sa présence à nos côtés, Olivier et moi sommes devenus sereins et confiants, nos tensions se sont envolées comme par magie. Elle a merveilleusement joué son rôle de Doula qui fait usage de gestes et paroles sensés au bon moment, qui rassure la future maman dans ses actes et caresses et encourage le compagnon à en faire de même, qui sait parfaitement se positionner en se mettant en avant pour proposer un remède ou alors en s'effaçant pour laisser aller l'événement.

Avec Danielle à nos côtés, nous avons réussi à vivre une naissance humanisée et personnalisée malgré l'ambiance ultra médicalisée d'un bloc opératoire!

Pour la petite histoire qui précède les futures explications en lien avec la constellation de famille et la psychogénéalogie: Ambroisine est née, portant dès lors à travers son prénom le poids d’un passé très chargé, agressivement présent en elle. Elle vivra quelques années avec ce prénom qu’on lui avait choisi, puis, la Vie nous a clairement montré un autre authentique chemin vers notre fille, que nous nommons depuis avec joie : Jenny. Nous avons assumé ce changement avec conviction et l'assurance de pouvoir donner ainsi une nouvelle chance à notre fille, à notre famille. De renaître à la vie sans lourdes chaînes accrochées à ses chevilles. Et c’est un prénom qui lui sied à ravir. Le deuil de la petite Ambroisine a été traversé avec respect et amour.

Les suites post-opératoires sont peut-être utiles à préciser : une frustration égale à celle ressentie après la césarienne, celle d’être complètement dépendante des sage-femmes en ce qui concerne les soins pour le bébé. La cicatrice est extrêmement douloureuse et les mouvements sont restreints.

Pour mon premier bébé, l’infirmière avait déposé Lou dans sa caissette en plastique transparent et au final, je l’ai laissée tout contre moi, car je devais sans cesse actionner la sonnette pour appeler de l’aide afin qu’on sorte Lou de sa boîte pour me la mettre au sein. Pour Jenny, je l’ai gardée dès le début blottie à mes côtés, toute bien protégée grâce au coussin d’allaitement sur mon lit.

Puis le lendemain, arrive le jour où il faut se lever, avec un ventre endolori et un corps comme coupé en deux, marcher jusqu’aux toilettes au mieux de nos capacités.

Dans les mois qui suivent l’opération, je vois l’importance de masser la cicatrice avec de l’huile de lavande, puis de la refermer également au niveau du corps énergétique subtil avec nos mains et en visualisant les yeux fermés que tout se referme avec gratitude et grand soin. Il est aussi utile de consulter un ostéopathe, idéalement pour la mère et l’enfant et de nettoyer les produits anesthésiants et médicaments antidouleurs par l’homéopathie et la phytothérapie.

La sage-femme à l’époque m’avait, lors de mon retour à la maison, resserré le bassin avec une longue écharpe de portage, et j’avais adoré cette sensation d’être soutenue fermement au niveau du bassin. La rééducation du périnée est aussi importante, même après avoir vécu une césarienne.

Pour terminer le chapitre, j’ajouterai ma reconnaissance auprès de chacune des équipes du bloc opératoire, de Zürich et de Berne, car je suis consciente d’avoir survécu aux deux accouchements grâce à elles, grâce à leurs savoirs et compétences. De plus, nos deux grandes filles sont en pleine forme !

Avec tout de même une pointe de sensation d’échec en arrière-fond, d’être devenue mère de façon mécanique, trop facilement, sans aucune chance d’avoir pu ressentir quoi que ce soit à l’intérieur de mon corps.


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